jeudi 30 juin 2011

SALUT ROGER

Je suis trop jeune pour avoir connu les heures glorieuses de Sigma. Et d'ailleurs, je ne me suis installé à Bordeaux que peu avant le "déclin" du festival.
Lorsque j'ai rencontré Roger Lafosse il était déjà une légende vivante.
Et pourtant c'était un homme charmant, très simplement courtois et disponible d'esprit. Il était à l'opposé de "l'indifférence à la parisienne"
qui est la marque de tant de "petits barons culturels locaux" ici et ailleurs dans notre tout petit pays si tragiquement provincial.
Lui était une des rares grandes et nobles personnes que je j'ai croisée dans ma carrière d'artiste.
L'image que je garderai de lui : celle d'un lion calme et attentif. Le "maitre-étalon" de ce métier extraordinaire qu'est la programmation.
Roger était un homme ouvert, à l'affut de ceux qui étaient ailleurs, et qu'il FALLAIT faire venir pour oxygéner les âmes d'ici.
Et dans le même temps, il ne négligeait pas ceux de ses voisins qui tâchaient de remuer eux-même au quotidien les esprits assoupis de la ville de Bordeaux.
Parce que on ne doit jamais oublier que ce n'est pas le fait de nettoyer les pavés d'une ville qui la rend heureuse, mais plutôt de les décrocher et de les balancer à la gueule des bourgeois et des cons (ils restent toujours les mêmes, même 40 ans après 68).
Ce que Sigma faisait chaque année, symboliquement, sur le plan culturel, spectaculaire et esthétique, mais c'était tellement VITAL.
Je suis très fier d'avoir participé au festival Sigma avec mon comparse Monsieur Gadou, avec nos projets "TSCHACK!" et "Les Champions d'Europe". Fier et reconnaissant.
Mais je suis aussi fier de Roger lorsque je feuillète un livre sur les situationnistes et que je trouve une photo d'une performance ayant eu lieu il y a si longtemps à Bordeaux, ou lorsque je croise le compositeur Pierre Henry et que nous parlons de lui.
Lorsque le festival a été injustement mis à la poubelle d'un trait de plume par l'actuel maire lors de sa première mandature, j'ai pris la décision de quitter Bordeaux.
Et je suis parti. SIGMA était le signe de l'ouverture possible de cette ville, Roger avait les clefs.
Sans Sigma il ne restait pas grand-chose à la belle endormie, et même s'il n'exerçait plus depuis longtemps, Roger va vous manquer, comme il me manque déjà, énormément.
David Chazam, Bruxelles, juin 2011.

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